40mcube
48, avenue Sergent Maginot
35000 Rennes

We Are The Painters est un duo d’artistes, Nicolas Beaumelle et Aurélien Porte. Sous ce nom revendicatif, ils mènent une recherche artistique centrée, comme leur nom l’indique, sur la peinture. Ils la pratiquent dans la nature, dans des formats de toiles démesurés, en volume avec des chaises comme support, sur des personnages activés dans le cadre de performance…, mais aussi de façon plus traditionnelle sur châssis avec des portraits de femmes et des paysages. Ces différentes œuvres prennent place dans une narration plus vaste qu’ils construisent au fur et à mesure de leurs expositions, devenant les éléments d’un puzzle plus global qui prendra dans un futur indéterminé la forme d’un film nommé Paint for Ulma .

Dans un principe de personnification, ils font de la peinture, de leurs œuvres et de la nature les personnages de leur film. La nature est omniprésente dans leur travail, peuplée de Chevelures et de Bouches Célestes… Dans leur vidéo Paint for Sheep (Écosse, 2005), Paint For Huppe (Charente-Maritime, 2007) et Paint For Hochwechsel (Autriche, 2010), les artistes vont se perdre dans la nature pour la représenter sur une toile de grand format, qu’ils abandonnent ensuite aux êtres – humains ou animaux – qui y passent et y vivent. Une version grande échelle, in situ et non matérialiste de la peinture, l’œuvre restant sur place se détériorer jusqu’à sa disparition.

Ainsi habitées de ces expériences, les œuvres et les expositions de WATP dégagent une atmosphère mystérieuse voire mystique, renforcée par l’activation de performances qui se figent durant l’exposition. Ils s’emparent de cette dernière pour y déployer leur univers dans lequel tout est peinture, des toiles constituant le fond de scènes dans lesquelles des personnages de peinture prennent place. Chaque exposition devient un environnement à vivre mais aussi un studio de tournage, des scènes de leur film y étant filmées, sans public.

Ainsi Paint for Ulma , sous le couvert de la fiction, intègre et concrétise son propre développement dans le temps, la méthode de travail, le mode de production mais aussi le réseau de collaboration des artistes, allant d’un éleveur de chèvres aux différents lieux d’exposition qui permettent à une nouvelle étape de voir le jour et d’être financée. Une histoire qui intègre des références à l’histoire de l’art – y compris des clichés que les artistes regardent avec humour – et qui se construit comme un mythe, avec des personnages et des rituels non situés dans le temps mais qu’ils inscrivent parfois dans la réalité. Ainsi, une chèvre de race Boer devient Ulma, une œuvre qui tente d’intégrer la collection d’un musée d’art contemporain. Les expositions qui découlent de ce projet global et qui l’alimentent s’emboitent les unes dans les autres. Whisper to the Landscape en est une séquence composée de nouvelles peintures de très grand format qui recouvrent et segmentent l’espace, une trame de fond sur laquelle s’intègrent des éléments en relation avec les personnages et l’univers du film Paint for Ulma .

De l’atmosphère de l’œuvre de WATP se dégage une certaine poésie, qui apparaît notamment dans les titres que les artistes donnent à leurs œuvres, dont plusieurs sont construits sur le même modèle : Paint for … She Looks Like a Mountain … Par ces titres ils adressent leur travail, prenant en compte une tierce personne qui rencontre, reçoit, perçoit, regarde leurs œuvres, et ainsi participe à leur univers et à leur fiction. Ainsi, ils peignent pour Ulma, Muse jusqu’à ce jour absente de toute représentation, et ils murmurent au paysage…

Anne Langlois