Lara Almarcegui, Matériaux de construction, Campus de Beaulieu, Rennes, 2014

Médiation et production : 40mcube et Eternal Network.

Dans le cadre de l’action Nouveaux commanditaires initiées par la Fondation de France.

Campus de Beaulieu
Université de Rennes 1
Bâtiment 32A
Allée Étienne Marey
35000 Rennes

Le projet Matériaux de construction, Campus de Beaulieu, Rennes de Lara Almarcegui consiste à identifier les matériaux de construction composant tous les édifices du campus de Beaulieu de l’Université de Rennes 1. L’œuvre du même nom prend la forme d’un texte, la liste des différents matériaux et leur masse, directement peint sur l’un des bâtiments du campus. Elle marque un instant T de ce territoire en évolution constante.

L’œuvre de Lara Almarcegui est l’aboutissement d’un processus de commande réalisé dans le cadre de l’action Nouveaux commanditaires de la Fondation de France. Un groupe d’étudiants du département Carrières Sociales de l’IUT de Rennes et leur enseignant Philippe Dorval ont constaté un manque de communication entre les individus d’une même promotion, entre les promotions et entre les différentes formations dispensées sur le campus.
En souhaitant travailler avec un ou une artiste, ils ont voulu être le moteur d’un changement, signifier l’esprit d’ouverture qui les anime et affirmer certaines valeurs telles que se connaître, s’identifier, se parler. Cette commande a été pour eux l’opportunité de travailler par le biais de l’art des questions de fond sur leur formation comme le renouvellement des pratiques dans le champ socioculturel, les usages d’espaces, les normes, les relations avec d’autres départements, le relais entre les promotions successives, l’inscription dans le temps.

Lara Almarcegui propose un regard inhabituel sur l’architecture et sur l’urbanisme, révélant l’organisation d’un quartier ou d’une ville selon leur histoire et les choix successifs opérés. Son travail peut prendre la forme d’inventaires comme celui qu’elle a réalisé des terrains vagues d’Amsterdam, d’interventions ténues dans l’espace public lorsqu’elle invite le public à assister à la démolition d’un bâtiment, ou de démonstrations massives quand elle présente à l’intérieur ou à proximité d’un bâtiment tous les matériaux, en quantité, qui ont servi à sa construction. Ses projets artistiques, débordant de l’espace d’exposition traditionnel et s’immisçant dans l’espace public, font toujours l’objet d’un travail d’équipe et de collaboration important.

Le département Carrières Sociales de l’IUT de Rennes est implanté sur le campus de Beaulieu. Avec ses 60 hectares de superficie, ce dernier est conçu sur le modèle des campus américains, constitué de nombreux bâtiments intégrés à de vastes zones de pelouses sillonnées par des routes dédiées aux voitures et des passages piétonniers. Une grande partie des bâtiments, construite entre 1961 et 1970, a été dessinée par l’architecte et urbaniste Louis Arretche (1905-1991). Ces bâtiments de béton sont conçus sur un principe de modules reproductibles, selon un systématisme qui permettait la préfabrication et l’extension. La circulation entre eux a également été pensée par le biais de nombreuses passerelles et couloirs couverts. Certains bâtiments sont montés sur pilotis pour s’adapter au vallonnement du terrain (*). Depuis cette construction initiale, chaque année de nouveaux édifices apparaissent pour répondre au développement de l’université. Conçus par différents architectes, ils dialoguent tous avec l’architecture de Louis Arretche.

Devant ce paysage à l’urbanisme singulier, dans une ville où chaque espace est rentabilisé, Lara Almarcegui souhaite amener les commanditaires – et plus largement le public de l’œuvre – à regarder davantage le contexte et le paysage dans lequel étudiants, enseignants, chercheurs, personnels et visiteurs évoluent chaque jour. Elle leur propose donc de calculer la masse des matériaux ayant servi à construire la totalité des bâtiments du campus. L’identification des matériaux et leur calcul a demandé de constituer une équipe composée des commanditaires, mais aussi d’étudiants et d’enseignants d’autres formations du campus. L’artiste et les étudiants ont travaillé avec la Direction des Ressources Immobilière de l’Université où Antoine Herzog a fourni de nombreuses sources papier ou informatique (plans, cartes, projets architecturaux, documents divers) conservées en archives. Ces informations ont été complétées ou vérifiées par des mesures réalisées sur le terrain par les étudiants. À partir de cette base d’informations sur les matériaux et les mesures, deux étudiantes du département Génie Civil Construction Durable de l’IUT, Yaëlle Epyneau et Noémie Chauvineau, encadrées par leur enseignante Céline Chauvet-Cantagrel et l’architecte Nicolas Thébault d’Anthracite architecture, ont établi une méthode de calcul. La difficulté étant de définir les limites de ce calcul, le choix des matériaux prédominants a été fait, ainsi que ce qui relève de l’architecture et non de l’aménagement intérieur. Grâce à cette méthode, les étudiantes ont pu effectuer le calcul des masses et au bout de trois mois de travail, la liste de matériaux est apparue.

Avec 264 178 tonnes, le béton est le matériau le plus abondant, suivi de la brique, du mortier, de l’asphalte, de l’acier, du plâtre, du verre et enfin du bois. Le calcul inclut les 72 bâtiments actuellement construits, y compris les préfabriqués en bois, mais aussi 15 passerelles, les terrains de sports, ainsi que les 4 hectares de parkings et les 5 hectares de routes en asphalte. Le campus et ses bâtiments sont ainsi déconstruits dans un processus inverse du travail réalisé par les architectes quand ils conçoivent un bâtiment. Rappelant l’action d’un enfant qui consiste à démonter ses jouets, cette opération permet de regarder autrement mais aussi de comprendre de quoi l’environnement est fait. Cette liste de matériaux fait référence au passé du campus, avant sa construction, avant leur utilisation. Elle marque une étape dans le développement du campus qui chaque année se dote de nouveaux bâtiments.

Le projet de Lara Almarcegui évoque la vie d’un bâtiment et d’un territoire construit qui s’avère être un cycle permanent, sachant que quand un bâtiment est démoli pour faire place à un autre, les matériaux sont concassés et triés, ramenés à leur état initial de masse pour être recyclés… À l’état de texte et de chiffres, cette liste devient une abstraction du campus permettant d’en créer d’autres images. Implantée sur l’un des bâtiments calculés, le 32A, placé en bordure de route, elle établit un lien entre le campus et la ville. S’inscrivant dans la lignée de calculs de bâtiments, de quartiers ou de villes réalisés par l’artiste (**), tout en étant la première à prendre place dans l’espace public, MATERIAUX DE CONSTRUCTION, CAMPUS DE BEAULIEU, RENNES devient un indicateur emblématique du style des années 1960-1970 qui fait l’une des identités architecturales de Rennes.

(*) AMOUROUX, Dominique, Louis Arretche, Gollion : Infolio, Paris : Editions du patrimoine, coll. Carnets d’architectes, 2010.
(**) Comme la Villa Haus Lange de Mies van der Rohe (Allemagne), le pavillon espagnol de la Biennale de Venise (Italie), les centre historiques de Burgos (Espagne), de Dijon (France) et de Lund (Suède) ainsi que la totalité de la ville de São Paulo (Brésil).

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